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Sunday, February 19, 2017

Sloterdijk, la Dianétique en bandoulière.







C’est avec un entrain non dissimulé que nous avons accueilli cet essai du placide philosophe d’Outre-Rhin, dont le titre (comme son contenu) s’avère pour le moins accessible, contrairement à certaines de ses productions (par exemple « Ni le soleil, ni la mort. Jeu de piste sous formes de dialogues avec Hans-Jürgen Heinrichs, Pauvert, 2003 ; Pluriel, 2004) abusant  d’une terminologie gonflée aux néologismes de croissance parfois redondants. Le penseur émérite se propose durant 645 pages globalement limpides de brosser la perspective de nouvelles mutations afin de répondre à la crise mondiale désormais difficilement dissimulable par on ne sait quels artifices extatiques et oratoires.  

Nous nous attarderons uniquement sur un chapitre particulièrement problématique de cette « louable entreprise » de refondation éthique à vocation populaire. Il s’agit donc de ce passage qui se veut simple Bulle, abstraction structurelle au sein même de la Table des matières en n’héritant pas d’un numéro de chapitre, et qui s’intitule donc : « Transition : Les religions n’existent pas. De Pierre de Coubertin à L. Ron Hubbard. »

Quelle ne fut pas notre surprise de constater que sur trente quatre pages, l’auteur allemand fait montre d’une grande complaisance à l’égard de cette secte dont les activités criminelles sont régulièrement condamnées par différentes cours de Justice à travers le monde. Établissant un parallèle plutôt pertinent entre Pierre de Coubertin et Hubbard,  fondateurs de religions ascétiques déspiritualisées, Peter Sloterdijk écrit : 

« J’aimerais rendre ici hommage au fondateur de la « Dianétique » comme à l’un des grands éducateurs du XXe siècle, dans la mesure où il a accru de manière décisive nos connaissances sur la nature de la religion, bien que ce soit pour l’essentiel de manière involontaire. Il a mérité sa place au panthéon de la science et de la technique pour avoir réussi une expérience psychotechnique dont les résultats importants concernent l’ensemble de la culture. Après Hubbard,  une chose est établie une fois pour toutes : la manière la plus efficace de montrer que la religion n’existe pas est d’en mettre une au monde soi-même. » p.141.

Ce ton plus que laudateur laisse d’abord ébahi face à une pirouette que l’on pense parodiquement  passagère et dont son oeuvre abonde, mais, bien que régulièrement piquetée de pointes ironiques assénées  sans grande conviction (« L’art parmi les arts consiste depuis toujours, pour les plus grands charlatans, à distiller l’unique remède, la panacée, l’agent universel, que cela se fasse dans des alambics physiques ou moraux. » p.143), l’apologie à peine retenue se poursuit :


« Je montrerai dans les pages qui suivent comment le génie d’entrepreneur et de chicaneur littéraire qui caractérisait Lafayette Ron Hubbard a mis à profit le principe actif de la religion formelle, dans sa version la plus abstraite, pour la campagne de promotion d’un produit lancé en 1950 et baptisé « Dianétique », avant de le transformer un peu plus tard seulement, par le biais d’une remise à niveau religioïde, en « Église » scientologique. » p.142.

Il est donc question du génie littéraire (?) d’un gourou ayant à son actif quelques milliers de victimes, une place méritée "au panthéon" (!) de la science et de la technique, "d’une approche ingénieuse",  mais pas seulement, car l’effusion dithyrambique se poursuit  : 
  "Au fond, la Dianétique ne signifie pas plus, dans un premier temps, qu’une variante simplifiée et technicisée des hypothèses fondamentales de la psychanalyse : elle remplace allègrement la distinction freudienne des systèmes ou des états de champ bw et ubw (bewusst/unbewusst, « conscient et inconscient ») par la distinction hubbardienne entre l’esprit analytique (avec sa banque de mémoire claire) et l’esprit actif (avec sa banque de mémoire pathologique). » p.145.

Que la doctrine de la Dianétique ait joyeusement plagié sans vergogne les dogmes primitifs de la psychanalyse ne fait aucun doute, de là à établir une équivalence conceptuelle qualitative, cela constitue une autre paire de manches à enfiler avec beaucoup plus de retenue stylistique.

Il est important de noter l’absence de conditionnel dans les formulations et énoncés  repris bien souvent sans la moindre distanciation :

« Les procédures dianétiques n’ont d’autres missions que la fabrication de clarifié »(sic) p.145.

Le harcèlement systématique des ex-membres est considéré comme le simple travestissement d’une tradition religieuse  classique à l'égard des négateurs de Dieu, « Hubbard aurait mérité un prix Nobel » (p.150), et sa secte dans son traitement des apostats s’avère « hautement parodique » (ibid), voire coupable d'une « fâcheuse terreur psychique » (p.151).

Faut-il rappeler que ce harcèlement « fâcheux » conduit régulièrement au suicide les ex-adeptes ou réfractaires subissant le prosélytisme démentiel véhiculé par ces acharnés de la normalisation comportementale, ces nazis chasseurs de fumeurs et autres consommateurs de produits déviants ?


 Plaçant Hubbard au même rang typologique que Sade et Raspoutine dans une perspective typologique assez sophiste, Sloterdijk touche plus juste quand il évoque un grand inspirateur du Gourou, à savoir Aleister Crowley, pourtant expert de la consommation de drogue et proposant une soupe syncrétique mélangeant un sous-nietzschéisme au matérialisme historique avec quelques gouttes de répugnante magie noire.
« Après la mort de Crowley, en 1947, Hubbard a dû croire que la place de celui-ci était vacante et attendait un digne successeur. » p.155.

 C’est possible, bien que rien ne l’atteste. Mais affirmer d’un écrivain de S.F raté qu’il a fourni un éclairage précieux sur les conditions générales des créations de religion, le comparer à Bouddha, Lao Tseu, Jésus, Mohammed, Aristote, Kant, Schopenhauer, Freud, ou Bergson, c’est non seulement délirant mais dangereux car ce livre qui se présente simplement comme une méthode de développement personnel s‘adresse au grand public et est vendu comme tel.

Non Mr Sloterdijk, la liberté de l’esprit ne passe pas pas le totalitarisme sectaire, il n’y a pas de comportements légaux à réformer par la violence de conditionnements subliminaux, ou via un harcèlement collectif qui s’assimile plus à du lynchage organisé qu’à une réelle envie de progrès social, l’éthique à proposer pour une société en crise ne peut se soumettre à une association de malfaiteurs et de déréglés mentaux jouant avec les lois et tentant d’influencer jusqu’au champ politique européen. L’ironie philosophique des cyniques et des sophistes en chambre doit se confronter à la dure réalité des faits : observer avec ravissement une organisation de psychopathes à l’oeuvre pour enrichir sa connaissance des mouvements religieux est non seulement éthiquement condamnable mais juridiquement discutable. Il est vrai que quand on élabore des « Règles pour un parc humain », la jonction avec cette organisation peut sembler couler de source. Il est bon de vérifier la qualité de cette dernière, certaines baignades s’avèrent  parfois létales.


 Tu dois changer ta vie.  Peter Sloterdijk. Libella Maren Sell, 2011, 654.p, 29 euros.

Sunday, December 27, 2015

Le Lob du Destin


https://www.editions-salto.fr/produit/le-lob-du-destin-version-epub/
Vladimir, adolescent atypique, aspire à percer dans le tennis professionnel, contre la volonté de son entourage.
Seul Ibn, entraîneur venu de nulle part, philosophe et marginal rejeté par sa fédération, croit en lui. Pour atteindre le niveau d’un Grand Chelem, Vladimir passe par les qualifications anonymes et les petits tournois impersonnels, il affronte l’individualisme d’un milieu faussement lisse, et, plus que tout, il se soumet aux plans impitoyables concoctés par Ibn. Il remporte ses premiers tournois grâce aux méthodes de ce coach inhumain, qu’il finit par abandonner. Alors il perd, certes, mais un « lob du destin » fera de lui un homme souverain et singulier.
Thomas Roussot offre avec Le lob du destin un roman initiatique où le jeune sportif côtoie aussi survivalisme, dérive sectaire et poésie.
  • ISBN: 978-2-36845-167-0
  • Format : epub
  • Prix de vente public: 7.49 €

Monday, September 14, 2015

Chroniques subjectives du cinéma contemporain.










Introduction :

Ce recueil de chroniques est né d’une frustration : n’avoir le plus souvent comme alternative que le choix entre des chroniques de cinéphiles, subjectives et de parti pris, tantôt techniques et théoriques, tantôt passionnées ou faussement distanciées, voire purement factuelles, aspirant à vendre de façon impersonnelle des produits filmés. 
J’ai souhaité tenter une autre approche, à la fois sur un plan stylistique et philosophique. Proposer une approche non critique en elle-même mais purement esthétique de l’objet filmique, tenter de coller avec le flux des images, plonger au coeur de ce qui est montré, sans jugement, sans théorisation sur tel ou tel angle de prise de vue, telle colorisation, tel montage, tel message prêté aux cinéastes, tel scénario et sa logique possible à l’oeuvre, et autre cohérence de plan. Considérant comme indécidable la valeur absolue d’un film, face à la suprématie des situations optiques et sonores qui se déploient sur des écrans de neutralité pourtant commerçante, j’ai laissé place à un recueillement mémoriel, qui de simulacre fictionnel en trompe-l’oeil obsessionnel, pouvait être à même de laisser resurgir le caractère composite propre à tout dispositif filmique, afin d’intégrer le lecteur au flux des spectacles décrits, sans recul narratif possible. Si le cinéma est, comme le considérait Deleuze, « la mémoire du monde », et « l’espace de tous les possibles » selon Lukàcs,  alors, que faire de jugements à posteriori sur la consistance et les qualités présentes ou non d’une manifestation essentiellement magique ? À savoir dépendante de milliers d’interactions échappant au domaine strictement rationnel, mais s’appuyant sur des contextes émotionnels, culturels, économiques, politiques, sexuels, temporels et donc métaphysiques, si variés, hétéroclites et contradictoires, qu’ils ne peuvent faire l’objet d’un avis, au sens strict du terme, sans passer à côté d’une part significative de leurs contenus respectifs. Rendre au lecteur l’effet proprement neurologique et émotif d’une déflagration sensorielle qui ne se rembobine pas, ainsi pourrait se résumer l’entreprise qui suit. Fantasme de réalité, trouble de l’invisible incomplétude, de la pellicule au numérique, le cinéma poursuit son sillage mécanique et poétique, en perpétuel reflet anthropologique qu’il est, et dont l’essence est une métamorphose incessante prolongeant celle de l’humanité. Chaque chronique prétend témoigner de ce caractère mutant, fluctuant, qui innerve la somme d’images aspirant à former un tout indécomposable, que pourtant, chaque coupure de montage décompose, chaque dialogue, chaque musique fait plonger vers le chaos d’impressions disparates, finies, fragmentaires et insolubles via quelque dissection cognitive d’apprenti critique. 
Le cinéma représentant le monde, avec ses propriétés, son unité, sa nécessité et ses hasards, passeur d’identifications, de résistances, d’accélérations, de valeurs, préparant ses consommateurs à toutes les adaptations, densifications et démultiplications, le cinéma donc, est un art titanesque qui charrie hors champ la complexité vagabonde de notre modernité, ainsi que sa violente vacuité.  Ses écrans enregistrent tous nos affaiblissements et contournements devant un avenir toujours plus illisible, dont les aléas modèlent les coutures scénaristiques, et les montages à condensation imposée par la vitesse de zappings privatifs. 
Les différents systèmes narratifs plus que jamais accessibles du fait de la mondialisation, interrogent notre capacité plastique à contempler l’environnement mondain sous des auspices hétérogènes, en articulant la temporalité du récit selon des axes toujours plus déconcertants. Dans le même temps paradoxal, une unification par les plus pauvres dénominateurs communs (sexe, violence, cupidité), s’affirme au fil des sorties, qualifiées en tant que performantes au box office. Chemin de signes délaissant quelque schématisme formaliste que ce soit, ce recueil tente de s’ouvrir à un perspectivisme de l’inconscient. Pour le dire autrement : à un effeuillage littéral des souvenirs provoqués par chaque projection filmique produite via cette usine à images ininterrompues.  

Si l’effet d’un panoramique à trois cent degrés est émouvant, ce n’est pas en précisant la qualité du verre optique utilisé que cela prendra corps dans un texte. Pénétrer dans une salle dite obscure, c’est accepter d’éteindre la flux immédiat des faits mondains pour entrouvrir le voile de la matière sur son origine mystiquement spectrale, son dédoublement onirique, et au final l’immanence d’un inconscient opaque à tout déploiement civilisationnel. Un art réunissant virtuellement tous les autres, à soi seul matrice d’enfantement sensationnel, machinerie phénoménologique et industrie de diversion virale, étalage d’un paraître visant parfois sa propre abolition. Odes puritaines, romantiques, apocalyptiques, ascétiques, charges technophobes, écologistes, humanistes, naturalistes, misérabilistes, horrifiques, quels que soient leurs registres, apologétiques ou dénonciateurs, les films demeurent les sécrétions hybrides de fantasmes professionnels ouverts les uns sur les autres comme des portes sur d’autres portes d’un champ d’extension de formes infinies porteuses de toutes les subjectivités. Le septième art navigue entre intériorité incantatoire et extériorité subliminale (et inversement), subvertissant régulièrement  ses propres codes dans une soif illimitée de surprise. Ce recueil déroulera des faits bruts, incorporant l’étrangeté de situations enchevêtrées, éparpillées, coagulées, fractionnées par le souvenir et les notes de visionnage. La sélection opérée pour réaliser ce recueil ne tient pas aux genres, qu’ils soient d’auteur, de fantastique, d’horreur, d’action ou de comédie, mais au caractère le moins stéréotypique des oeuvres traitées. Décrire une rencontre sensorielle aussi fragile et ténue ne peut se faire que par une dialectique élancée en creux, admettant la finitude de sa propre entreprise, refusant de domestiquer l’émotion au fond d’une décharge pour collectionneurs de titres, références et génériques de fins oubliées. Il n’est pas non plus question de prescription exhaustive sur un mode laudatif, mais d’émancipation du verbe épousant le souvenir rafraîchissant d’un moment spectaculairement projeté sur tel ou tel écran de remembrance, pour tel ou tel instant d’omniprésence. Il n’est pas non plus question d’atténuer l’aspect hétérogène des films choisis, pour former artificiellement un tout simulant une cohérence de goûts électifs, compte tenu du choix d’assumer le caractère justement hétéroclite d’une attraction pour une oeuvre, basé sur une sensibilité protéiforme et donc nécessairement contradictoire.  Il sera donc plutôt question de dessiner le portrait d’une poétique cinématographique, en passant par une écriture disjonctive plus ambitieuse et pertinente qu’une simple description interprétative d’intentions proclamées d’un cinéaste,  scénariste, acteur ou producteur.  Pourtant, même si ce recueil n’aspire pas à une homogénéité de façade, un dénominateur commun relie toutefois les films traités : leur non volonté de présenter le monde comme hospitalier, harmonieux et léger. Le projet de tout film exhibe un certain rapport au monde issu d’une société donnée, s’appropriant les manies et injonctions d’une époque, conditionnant et recrachant en boucle ses propriétés alternativement singulières et impersonnelles. Du plus trivial au plus transcendantal des engendrements synthétiques, cet art majeur demeure, de projet en projet, un pont surnaturel entre les générations, qui, de diffusions en retransmissions amoureuses, de déroulé en travelling, accentuent ses gains de réalité, perpétuent le fil invisible d’une inattendue tradition, notion étrange et pourtant adaptée à ce septième art de dire le monde dans une tentative plastique de réapparition permanente d’ étants absents à eux-mêmes. 
Ici donc, point d’abordage formel, mais une monstration opaque qui ne tient pas  discours, point d’analogie rationaliste mais une épiphanie impressionniste de mots à la recherche du miracle premier : percevoir un autre possible, accéder à la totalité du réel en sortant d’une séance de cinéma, séance à jamais irréductible aux jugements univoques. 

Saturday, June 14, 2014

Nietzsche, la déraison du vivant.

NIETZSCHE, LA DÉRAISON DU VIVANT

Thomas Roussot
PHILOSOPHIE EUROPE

Cet essai évoque l'influence des lieux de villégiature de Nietzsche sur son oeuvre, soulignant ses divers sauts, tant sur le plan géographique qu'intellectuel, affectif et relationnel, traçant un itinéraire de vie et de pensée autour de quelques grands thèmes, la jeunesse, l'amour, la solitude, la déraison, les périples, la transgression ou l'autonomie. L'interaction entre le vécu sensible et la formation d'idées novatrices a marqué de façon significative tout le parcours existentiel de ce philosophe...

L’inquiétante collusion américano-européenne sur la vente à la consommation d’animaux clonés.



Le mercredi 18 décembre 2013, la Commission européenne avait simplement proposé d’interdire purement et simplement le clonage  animal à but alimentaire dans l'UE, mais avait « étrangement » renoncé à bannir la vente de viande ou de lait des descendants des animaux clonés. 

"La Commission propose d'interdire la technique du clonage pour les animaux d'élevage et d'interdire l'importation d'animaux clonés vers l'UE", avait alors annoncé le commissaire européen chargé de la Santé, Tonio Borg, au cours d'une conférence de presse.
"Nous proposons d'interdire la technique du clonage à des fins alimentaires et les importations d'animaux clonés ».
"Mais nous ne faisons pas de proposition sur l'étiquetage pour la viande fraiche de bovins descendants d'animaux clonés"
, complétait pourtant le commissaire.
Il faut savoir que les embryons et semences d’animaux clonés sont commercialisés et exportés, et leurs descendants sont élevés aux Etats-Unis, et dans quelques pays d’Amérique latine (Argentine, Brésil, Uruguay).
L'UE importe chaque année jusqu‘à 500.000 tonnes de viande bovine des Etats-Unis et d'Argentine, ces pays ayant autorisé le clonage à des fins commerciales, et ces pays ne présentent  aucun système de traçabilité.
Pourquoi une telle législation de protection sanitaire à géométrie variable ?
D’une part parce que les Etats Unis ne souhaitent tout simplement pas réaliser  ces contrôles et que l'Union européenne ne tient pas à bloquer ces très importantes importations, afin, selon certains observateurs, d’éviter un conflit commercial comparable à celui induit par l'interdiction du boeuf aux hormones américain.
Mais en fouillant plus attentivement dans les dossiers officiels de l’Union européenne, l’on découvre une autre explication, beaucoup plus inquiétante. Un véritable cheval de Troie stratégique s’est immiscé en amont dans la politique de santé publique française. Et il porte un nom : Beckman Coulter.

Beckman Coulter est spécialisée dans « les sciences de la vie », prestataire de services en génomique et pharmacogénomique des plus grandes entreprises pharmaceutiques et institutions académiques à travers le monde. Cette société, née du regroupement de Beckman Coulter Agencourt Bioscience et de Cogenics, emploie plusieurs dizaines de milliers de personnes réparties sur 5 sites aux Etats-Unis et en Europe (Royaume-Uni, France et Allemagne, siège en Suisse, dans le canton de vaud).

Elle est spécialisée dans la centrifugation et la cytométrie en flux, dans l'électrophorèse capillaire, la caractérisation des particules et de l'automatisation de laboratoire, et ses produits sont utilisés à l'avant-garde de domaines importants de l'enquête, y compris dans la protéomique. Elle propose notamment une expertise technique combinée à un service de plates-formes technologiques exploitées en environnements réglementaires (GLP, cGMP, CLIA), fournissant données, analyses et « approche innovante » pour toutes  études cliniques ou projets de recherche liés au génome : du séquençage, de l'échantillon simple d'ADN aux projets de génome complet. De l’analyse d'expression de gènes au profilage de microARN, de l'analyse statistique à la bioinformatique des données. Travaillant avec de nombreux laboratoires français : http://www.france-biotech.org/tag/accord-avec-la-societe-beckman-coulter/, Beckman Coulter ne se contente pas de collaborer avec les chercheurs français.


Selon le document du Journal officiel de l’Union européenne datant du 15.2.2006, elle est purement et simplement chargée d’assurer les tests de dépistage de santé publique concernant les ovins et les caprins, donnant même son nom au test en question !


« Toute modification des tests rapides et des protocoles de test est soumise à l’approbation du laboratoire de référence communautaire (LRC) pour les EST. Le LRC a approuvé des modifications au test post mortem de dépistage rapide de l’ESB appelé «Inpro CDI». Le LRC a également accepté le changement du nom du test en «Beckman Coulter InPro CDI kit». »

Cela signifie en clair, que l’Union européenne a chargé une entreprise américaine d’assurer des tests de prévention et de contrôle de santé publique concernant une alimentation qui provient notamment des USA et comprend donc des animaux clonés que la même Union européenne refuse de voir produits par les agriculteurs français, tout en ne souhaitant pas dans le même temps réaliser une traçabilité visant lesdites importations américaines.

Ci-joint ledit document :
15.2.2006
Journal officiel de l’Union européenne
L 44/9
FR
RÈGLEMENT (CE) No 253/2006 DE LA COMMISSION du 14 février 2006
modifiant le règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les tests rapides et les mesures d’éradication des EST chez les ovins et les caprins
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement (CE) no 999/2001 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l'éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (1), et notamment son article 23, premier alinéa,
considérant ce qui suit:
(1) Le règlement (CE) no 999/2001 fixe les règles régissant l’éradication des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) dont la présence a été confirmée dans un troupeau d’ovins ou de caprins; il dresse également une liste des tests rapides agréés pour la surveillance des EST.
(2) Conformément au règlement (CE) no 999/2001, modifié par le règlement (CE) no 260/2003 de la Commission (2), certaines mesures s’appliquent, depuis le 1er octobre 2003, lorsque la présence d’une EST a été confirmée dans un troupeau d’ovins ou de caprins. À l’époque, il n’était pas possible d’isoler systématiquement chez les ovins et les caprins deux types d’EST susceptibles d’atteindre ces espèces, à savoir la tremblante et l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Des mesures strictes ont donc été mises en place, au motif que toute EST détectée chez des ovins ou des caprins pouvait être l’ESB.
(3) Conformément au règlement (CE) no 999/2001, modifié par le règlement (CE) no 36/2005 de la Commission (3), des tests de discrimination sont obligatoires, depuis le mois de janvier 2005, dans tous les cas d’EST confirmés chez les ovins et les caprins. Selon les résultats préliminaires de la surveillance renforcée exercée en 2005 sur les ovins et les caprins conformément au règlement (CE) no 999/2001, modifié par le règlement (CE) no 214/2005 de la Commission(4), on peut exclure la présence de l’ESB dans tous les cas d’EST détectés à ce jour. Les mesures d’éradication des EST chez les ovins et les caprins seront revues dans le contexte de la feuille de route pour les EST. Toutefois, l’examen de la question ne sera pas terminé avant la fin de l’année 2005.
(1) JO L 147 du 31.5.2001, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1974/2005 de la Commission (JO L 317 du 3.12.2005, p. 4).
(2) JO L 37 du 13.2.2003, p. 7.
(3) JO L 10 du 13.1.2005, p. 9.
(4) JO L 37 du 10.2.2005, p. 9.
(4) Dans le but d’éviter l’entrée en application, pour l’éradication des EST chez les ovins, de mesures plus strictes, alors qu’un débat est en cours sur leur révision éventuelle, il convient de prolonger les mesures transitoires qui régissent actuellement, jusqu’au 1er janvier 2006, la reconstitution des troupeaux abattus à des fins d’éradication des EST.
(5) Dans son rapport du 2 septembre 2005, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a recommandé qu’un nouveau test post mortem de dépistage rapide de l’ESB soit agréé. Il convient d’inscrire ce test sur la liste des tests rapides mis en œuvre aux fins de surveillance de l’ESB.
(6) Jusqu’à présent, aucune évaluation formelle n’a été réalisée sur des tests destinés spécifiquement aux ovins et aux caprins. Cinq tests rapides figurant actuellement sur la liste de l’annexe X du règlement (CE) no 999/2001 ont été approuvés à titre provisoire (dans l’attente d’une évaluation), sur la base des données fournies par les fabricants, pour le programme de surveillance concernant les ovins et les caprins.
(7) Dans ses rapports du 17 mai et du 26 septembre 2005 relatifs à l’évaluation de tests post mortem rapides destinés aux ovins et aux caprins, l’EFSA a recommandé l’octroi d’un agrément à huit nouveaux tests, y compris les cinq tests rapides qui avaient été approuvés à titre provisoire. Il convient d’inscrire ces tests sur la liste des tests rapides visant à la surveillance des EST chez les ovins et les caprins.
(8) Toute modification des tests rapides et des protocoles de test est soumise à l’approbation du laboratoire de référence communautaire (LRC) pour les EST. Le LRC a approuvé des modifications au test post mortem de dépistage rapide de l’ESB appelé «Inpro CDI». Le LRC a également accepté le changement du nom du test en «Beckman Coulter InPro CDI kit».
(9) Il convient donc de modifier le règlement (CE) no 999/2001 en conséquence.
(10) Les mesures prévues par le présent règlement sont conformes à l'avis du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale,

L 44/10
Journal officiel de l’Union européenne
15.2.2006
FR
A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:
État membre.
Fait à Bruxelles, le 14 février 2006.
Article premier
Les annexes VII et X du règlement (CE) no 999/2001 sont modifiées conformément à l'annexe du présent règlement.
Article 2
Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de
l'Union européenne.
Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout
Par la Commission
Markos KYPRIANOU
Membre de la Commission

15.2.2006
Journal officiel de l’Union européenne ANNEXE
1. À l'annexe VII du règlement (CE) no 999/2001, le point 6 est remplacé par le texte suivant:
«6. Pendant une période de transition pouvant s'étendre jusqu'au 1er janvier 2007 au plus tard et par dérogation à la restriction formulée au point 4 b), les États membres peuvent décider, lorsqu'il est difficile d'obtenir des ovins de remplacement d'un génotype connu, d'autoriser, dans les exploitations auxquelles s’appliquent les mesures visées aux points 2 b) i) et ii), l'introduction de brebis non gestantes de génotype inconnu.»
2. À l'annexe X du règlement (CE) no 999/2001, chapitre C, le point 4 est remplacé par le texte suivant:
«4. Tests rapides
Aux fins d'exécution des tests rapides conformément à l'article 5, paragraphe 3, et à l'article 6, paragraphe 1, les
méthodes suivantes sont utilisées en tant que tests rapides pour la surveillance de l'ESB chez les bovins:
— test fondé sur la technique du Western blot pour la détection de la fraction résistant à la protéinase K PrPRes (test Prionics-Check Western),
— test ELISA en chimioluminescence faisant appel à une méthode d'extraction et à une technique ELISA, utilisant un réactif chimioluminescent renforcé (test Enfer & Enfer TSE Kit version 2.0, préparation automatisée d'échantillons),
— immunodosage de la PrPRes par la méthode immunométrique à deux sites, dite méthode “en sandwich”, après dénaturation et concentration (test Bio-Rad TeSeE),
— immunodosage sur microplaques (ELISA) pour la détection de la PrPRes résistant à la protéinase K avec anticorps monoclonaux (test Prionics Check LIA),
— immunodosage dépendant de la conformation, test de détection d’antigène ESB (test Beckman Coulter InPro CDI kit),
— test ELISA en chimioluminescence pour la détermination qualitative de la PrPSc (test CediTect BSE),
— immunodosage à l'aide d'un polymère chimique pour la capture sélective de la PrPSc et d'un anticorps de détection monoclonal dirigé contre les régions conservées de la molécule de PrP (test IDEXX HerdChek BSE Antigen Test Kit, EIA),
— immunodosage en chimioluminescence sur microplaques pour la détection de la PrPSc dans les tissus bovins (test Institut Pourquier Speed’it BSE),
— immunodosage à flux latéral à l'aide de deux anticorps monoclonaux différents pour la détection des fractions de la PrP résistant à la protéinase K (test Prionics Check PrioSTRIP),
— immunodosage à deux sites à l'aide de deux anticorps monoclonaux différents dirigés contre deux épitopes présents à l'état hautement déroulé dans la PrPSc bovine (test Roboscreen Beta Prion BSE EIA Test Kit),
— test ELISA sandwich pour la détection de la PrPSc résistant à la protéinase K (PK) (test Roche Applied Science PrionScreen),
— capture d’antigènes ELISA à l'aide de deux anticorps monoclonaux différents pour la détection des fractions de la PrP résistant à la protéinase K (test Fujirebio FRELISA BSE post mortem rapid BSE).
Aux fins d'exécution des tests rapides conformément à l'article 5, paragraphe 3, et à l'article 6, paragraphe 1, les méthodes suivantes sont utilisées en tant que tests rapides pour la surveillance de l'EST chez les ovins et les caprins:
— immunodosage dépendant de la conformation, test de détection d’antigène ESB (test Beckman Coulter InPro CDI kit),
— immunodosage de la PrPRes par la méthode immunométrique à deux sites, dite méthode “en sandwich”, après dénaturation et concentration (test Bio-Rad TeSeE),
— immunodosage de la PrPRes par la méthode immunométrique à deux sites, dite méthode “en sandwich”, après dénaturation et concentration (test Bio-Rad TeSeE Sheep/Goat),
— test ELISA en chimioluminescence faisant appel à une procédure d'extraction et une technique ELISA, utilisant un réactif chimioluminescent renforcé (test Enfer TSE Kit version 2.0),
L 44/11
FR

L 44/12
Journal officiel de l’Union européenne
15.2.2006
FR





immunodosage à l'aide d'un polymère chimique pour la capture sélective de la PrPSc et d'un anticorps de détection monoclonal dirigé contre les régions conservées de la molécule de PrP (test IDEXX HerdChek BSE-Scrapie Antigen Test Kit, EIA),
immunodosage en chimioluminescence sur microplaques pour la détection de la PrPSc dans les tissus ovins (test POURQUIER’S-LIA Scrapie),
test fondé sur la technique du Western blot pour la détection de la fraction résistant à la protéinase K PrPRes (test Prionics-Check Western Small Ruminant),
immunodosage en chimioluminescence sur microplaques pour la détection de la PrPSc résistant à la protéinase K (test Prionics Check LIA Small Ruminants).
Pour tous ces tests, l’échantillon de tissu utilisé doit être conforme au mode d’emploi du fabricant.
Le fabricant des tests rapides doit avoir mis en place un système d'assurance de la qualité agréé par le laboratoire de référence communautaire et garantissant l'efficacité constante des tests. Le fabricant doit fournir le protocole de test au laboratoire de référence communautaire.
Les tests rapides et protocoles de test ne peuvent être modifiés qu'après notification des modifications au laboratoire de référence communautaire et à condition que celui-ci constate que les modifications n’altèrent pas la sensibilité, la spécificité ou la fiabilité du test rapide. Ce constat sera communiqué à la Commission et aux laboratoires de référence nationaux.








Runaway Train

Thursday, April 10, 2014

La mort du code-barres

Présentation

Inutile donc de faire comme s’il restait une part de joliesse dont on pourrait encore s’enorgueillir benoîtement. Inutile, puisque le cœur, moribond, s’apprête à lâcher. Cela fait bien longtemps que les rires ont jauni ; et puisque tout le monde s’en fout manifestement, autant vomir en public les haines et idéaux dont le mélange indigeste ne passe définitivement pas. Alors ça casse. Et avec les rêves balayés, c’est l’être dans son entièreté qui casse, interdit de cité. Il n’y a rien à faire : ça ne passe pas, alors ça casse. Membres épars et cœurs fêlés, ça casse. Sentiments dégonflés et rêves effondrés, ça casse. Dans l’indifférence générale. Indifférence si outrageusement fardée de discours humanistes que ce maquillage suranné ne parvient plus à masquer la dialectique de putréfaction qui travaille en profondeur tous les corps sociaux que l’humain s’est inventés pour faire écran, pour détourner son regard d’un vide qu’il ne sait affronter. Réseaux de trompes-l’œil, jeux de dupes : le trop plein de vivres à toujours consommer n’endigue pas la mort qui consume à jamais des mouvements de l’âme trop creux pour durer. Ça casse. L’obscénité du monde abonde dans le non-sens de sa vacuité : c’est l’inertie ambiante, la dialectique de l’inanité. Surproduction de verbiage, surmultiplication des artifices. Et pourtant rien n’y fait. Encore et toujours : ça ne passe pas, alors ça casse.

Note : Vous pouvez aussi commander ce livre en librairie (notez le n° ISBN : 978-952-273-377-1)

Sunday, May 12, 2013

Essential Killing, un taliban à visage humain.


Alors qu’une grève de la faim sans précédent frappe le camp de Guantánamo, c’est l’occasion de se replonger dans le film ascétique et spectaculaire à la fois, Essential Kiling, du polonais Jerzy Skolimowski, qui, même s’il ne propose aucune lecture à proprement parler politique du sujet, déploie une plongée brutale et hypnotique dans le conflit afghan.
http://nawaat.org/portail/2013/05/08/guantanamo-une-greve-de-la-faim-sans-precedent/

Jerzy Skolimowski songeait aux avions de la CIA qui atterrissent dans un endroit  gardé secret  en Europe  Centrale, amenant des prisonniers du Moyen-Orient et faisant des choses mystérieuses avec eux, quand il a rédigé le scénario de ce film.
Il roulait en 4x4 sur la neige quand il a glissé et s’est retrouvé au bord d’un précipice. Il s’est arrêté juste à temps. Puis a réalisé qu’il se trouvait à moins de 5 km d’une possible piste d’atterrissage, et que c’était probablement la route que prenaient la plupart des convois pour transporter les prisonniers. Le cinéaste a songé que son dérapage pouvait aussi arriver aux véhicules de ces convois de prisonniers. Tout est parti de cet aspect factuel, parce qu’il a eu un accident, il a décidé de créer ce personnage qui va  faire face à la neige pour la première fois  de sa vie, pieds nus, en état de choc, menotté, avec sa combinaison orange.  Pour s’enfuir. Et ce, par tous les moyens. En moins de deux heures, il a rédigé le scénario du film, avec cette énergie propre aux inspirations artistiques fulgurantes.
http://www.youtube.com/watch?v=_0CR2N4xbfQ

« Vous êtes les trois seuls en vue. La voie est libre. » Trois soldats américains appuyés par un hélicoptère de combat, munis de détecteurs anti-mines,  s’aventurent au fond de vallées  afghanes. Un taliban banalement nommé Mohammed (Vincent Gallo), pourvu d’un physique d’occidental,  qui semble dès les premiers plans comme un « être-jeté », présent malgré lui, récupère sur un cadavre un lance-roquette. « Tous les barbus qui vivent dans ces cavernes, même les plus arriérés.. », échanges de propos à la cantonade entre soldats américains, en mode dilettante, « La voie est libre. Oncle Sam ! Je suis déjà défoncé. » Ils fument de l’herbe.  Soldats éliminés. Le taliban a visé juste. La cible est désormais prise en chasse par l’hélicoptère cette fois. Un missile air-sol le touche. Il semble inerte. Non. Il se tient la tête. Se touche les oreilles. Le souffle de l’explosion. L’ouïe perdue ?
Un escadron s’en empare. Menotté. Cagoulé. Emmené dans un camp qui s’apparente à Guantánamo. « Est-ce que tu comprends l’anglais ? » L’interrogatoire débute. « Joue pas les débiles. Réponds, dépêche-toi. Tu vas l’ouvrir espèce d’enfoiré. » Ca siffle dans ses oreilles. Le sifflement strident des bombes, de l’indicible. Il ne répond de rien. On le rase. Entre deux aboiements canins. « Enlève ton pantalon. Enlève ta chemise. Tu bouges pas la tête. » La torture commence. Un médecin contrôle son état. L’être-pour-la-mort semble le sceau métaphysique qui caractérise le personnage principal.
Visions, voix dans sa tête ? Les traumatismes répétés, donnés et infligés, semblent fragmenter le rapport au temps du fugitif, à moins qu’il ne s’agisse non d’hallucinations mais de pures phases extatiques « Ce n’est pas toi qui les as tués. C’est Allah. »
Casque insonorisant. Cagoules d’ébène. Déportation. Convoi, porc-épic sur route enneigée. Le véhicule où il se trouve dérape, plonge dans un ravin. Le captif s’échappe. Découvre une voiture de civils. Pieds nus sans limaces. Il lève les bras, comme pour se rendre. Le conducteur écoute du Black Metal. Apprend que ce sera des jumeaux par sa copine au téléphone. Le taliban l’exécute. Luisant de sang aux  pommettes.  Mange des restes trouvés dans la boîte à gants. Quitte le véhicule. La neige tournoie aux alentours. Il halète, Chasseurs alpins aux trousses. Blancs. Cerner la cible. On la perd. On la renifle. On la débusque. Elle s’échappe. S’éclipse sous des arbres, se fait happer par un piège à loups, immobilisée. Se défait de sa botte enserrée. Il ôte sa chaussette ensanglantée et la glisse sous la laisse d’un chien de type bâtard, providentiellement de passage. Givre et sang. Frénésie d’aboiements. Repérage. La « nudité première » (René Char) des choses sera à l’oeuvre durant tout le film.  Cette fois un chien-loup s’apprête à  le transpercer. Il glisse, chute, coule. Ciel rosé. Sécrétion des traces de pas poignardant la poudreuse. La forêt boit la nuit, laissant affleurer des nappes blanchâtres à ses cimes.  Cerné. Lâcher son arme ? Cercle lunaire. Pigeons, chameaux, segments de branchages, coqs, il est sur une voie, possiblement sans issue, paille, abri de fortune. Cerfs, eau stratifiée, stalactites, branches tordues sous lesquelles se plier pour passer, accéder à la clairière ? Fourmilier pour repas, ruissellement. La cible s’enfuit dissimulée à bord d’un camion ramenant des tronçons de sapins à une scierie locale. Repéré par les employés. Arbre tronçonné s’abattant sur ses flancs. Lune montante, écorce de sapins. La guerre est déclarée pour lui bien qu’elle lui soit odieuse. Il arrive que l’on aime ce qui est mauvais pour soi et déteste ce qui est bon. Mais l’on ignore pourquoi. Et ce taliban ne semble plus conscient de lui-même, encerclé qu’il est par la virginité neigeuse infinie, Il décapite un employé à la tronçonneuse. Verglas ? Pureté, assurément. Rivière, bois. Nettoyer ces mains éperdument ensanglantées. Mousse, sève, corbeaux, buée, évanouissement. Mares, falaises marbrées, lapiaz. Textile bleuté flottant, branchages entremêlés, jusqu’à l’étourdissement. Femme en burqa. Main contre le cœur. Odeur du sang qui attire la meute canine. Croix de terreur. Il tend les mains vers le ciel, hurle de peur, la folie guette. Se couche, prêt pour la dévoration. Rien ne vient. Il prie ? Un homme pêche en bord de rivière. Ellipse, il le rejoint. Saisit sa dernière proie, un poisson. « T’es fou ou quoi ? Etouffe-toi avec ! Espèce de monstre ! » Il le dévore vivant. Une femme  à vélo s’arrête pour allaiter son bébé. Il la met en joue. Pour allaiter à son tour. Tétanisée, elle s’évanouit. Lampe-torche, « celui qui se bat au nom d’Allah,  nous lui accorderons une formidable récompense. » Il s’endort à même la souche des arbres glacés. S’approche d’une bâtisse en bois. Tracteur, accordéon, saoulerie. Le groupe d’invités s’en va. Une femme sourde-muette, Margaret (Emmanuelle Seigner), demeure  seule, l’aperçoit branlant, tremblant,  le tire comme une bûche chez elle. Découvre son arme. Il est inanimé. Ecoute son cœur. Touche sa plaie. Découvre la béance. Il hurle. Elle s’effraie. Le panse quand même. En silence. Lui offre un cheval. Croix au mur. Le taliban silencieux reprend sa place d’homme dans le monde, il n’est plus seul, fou, ni soldat, par son entremise silencieuse, grâce à elle. Elle l’a habillé, soigné, le terroriste terrorisé n’est alors plus qu’un homme qui va mourir,  sur un cheval. Un homme.
Son sang se répand sur son ultime monture. Enturbanné de noir, d’écarlate et de blanc, il meurt. Libre.

Saturday, February 18, 2012





Avant-propos

 Noir Désir c'est avant tout un groupe d'amis qui a flirté avec cette soif d'absolu à laquelle toute jeunesse aspire.
Un groupe dont l'épicentre se nomme Bertrand Cantat. Une discographie fulgurante, tourmentée, écorchée vive, mais tout aussi souvent à la recherche de la pureté simple, du dépouillement intègre, balançant sur scène des fusées de joie et de révolte. Un parcours chaotique et flamboyant qui a ébranlé la scène musicale française de ces dernières décennies, et au-delà, bien des consciences, bien des conformismes, tant médiatiques, économiques, artistiques que politiques. Cette spirale infernale, sonore et humaine, qui aspirait au grand incendie, pouvait-elle se conclure autrement que dans le tragique ?
Nul ne pourra jamais répondre à cette interrogation, mais ne demeure que l'essentiel : une oeuvre. Et qui sait, en plongeant en elle comme en un volcan non éteint, se trouvent sans doute encore des morceaux de vérité, des pépites d'insurrection, des  éclairs d'innocence qui s'offrent toujours à l'auditeur sensible, pénétrant l'embrasure existentielle ouverte à celles et ceux qui veulent encore croire en leur étoile.
Pourquoi cette formation rock a su entrer plus qu'aucune autre en communion avec un public en attente de singularité sans concessions, comment des textes poétiquement exigeants ont pu trouver un tel écho populaire ?
Le positionnement radical du groupe vis-à-vis de sa propre médiatisation, ses engagements citoyens de plus en plus manifestes au long de cette carrière hors-normes, cette faculté de surfer entre spectacle et anonymat, violence et sensibilité, ses influences littéraires et idéologiques, la personnalité déterminante de Cantat et finalement le drame de Vilnius. Ce livre se propose de disséquer ces questions et d'autres plus adjacentes, d'entrer en gravitation autour de cette étoile filante, de cet astre fou qui luit encore et dont l'avenir demeure ouvert sur le possible, cet astre qui a su traverser des trous noirs pour renaître à plusieurs reprises de ses cendres et qui est définitivement nommé Noir Désir.  Irréductiblement, cruellement, librement. Un groupe de rock qui a proposé des torrents de lumière et d'obscurité,  établissant des liens invisibles avec son public. Une pluie de chansons pour insurgés, ivres de poésie et de colère, à en faire rajeunir les morts. À la bouche de Cantat ont raisonné des secousses sismiques, des fulgurances dissidentes qui ont épaulé toute une jeunesse, frappée par ces mots descendus d'ailleurs, ces notes qui ont circulé dans leurs entrailles,  notes nerveuses, épineuses, combattives, sans demeure ni bannière, ouvrant des gouffres, entaillant des rêves impossibles, décimant la résignation et l'apathie, laissant des sentiers ouverts devant nous, mêmes couverts d'écorchures et d'ecchymoses, des contrées  pour assoiffés de torrents qui mènent ailleurs. Pour le pire et le meilleur.